Lettre 3: Une magnifique prison
Les Lettres du Sursol 3: Une magnifique prison
sa porte, la lune.
Nous parlons,
Vous parlez,
Même si le silence nous assiège.
Nous élevons nos voix,
Non comme des victimes, mais comme une force.
Nous parlons,
Notre survie réside dans nos mots,
Car nous ne pouvons pas nous permettre le silence,
Et vous ne pouvez pas vous permettre le silence.
Ici, le monde —
Une magnifique prison,
sa porte, la lune.
Notre existence n'est ni
un privilège ni une faveur.
Notre existence naît d'une solidarité douloureuse,
Un acte de force,
Une force de résistance.
Nous nous tenons ensemble,
Nous affrontons ensemble,
Ce qui cherche à nous effacer —
Nos corps, nos esprits,
Nos pensées, nos âmes.
Ici, le monde —
Une magnifique prison,
sa porte, la lune.
Sous la brutalité et les
machines de guerre,
Sous la surveillance et la répression,
Où que nous soyons,
Nous sommes arrivés ici.
Et d'ici,
Nous ne quitterons pas cet ici.
Ensemble.
Nous affrontons,
Non pour le confort des
espaces verts,
Non pour une paix
lointaine,
Non pour des terres que
nous souhaitons conquérir.
Nous résistons,
pour cette terre,
Notre terre,
Notre planète.
Ici, le monde —
Une magnifique prison,
sa porte, la lune.
Gaza est un miroir.
Nous nous y regardons
depuis le bout du monde,
il nous regarde en retour.
Une victime en nous s'y
voit,
Un bourreau en nous s’y
voit.
Nous regardons
Nous sommes témoins
D’une histoire
Qui se répète,
jour après jour.
Un bourreau
Une victime
Une victime
Un bourreau.
Hier,
Nous avons regardé un film
—
Les morts errants,
massacrés dans l'oubli.
Peut-être était-ce Gaza :
Des enfants brûlant, des
familles disparaissant,
Un miroir de propagande.
Là-dedans, les frontières
s'estompent
Entre réalité et illusion.
Les lignes se dissolvent,
Les horizons
disparaissent,
Les horizons émergent.
Ici, le monde —
Une magnifique prison,
sa porte, la lune.
Ensemble, nous affrontons
Les mensonges et les
fabrications,
Les promesses sur
promesses
S'effacent,
disparaissent.
La démocratie, une fierté —
Prêches et présages,
Beaux de visage,
Marquant avec des
tatouages :
Des troupeaux pour la vie,
Des troupeaux pour la
mort.
Refuser de se soumettre a
un prix.
Cela a toujours été le
cas.
Ici, le monde —
Une magnifique prison,
sa porte, la lune.
Les tyrans pèsent nos
vies,
dans la balance de leurs
intérêts,
dans la balance de leur
confort.
Nous, et vous,
voyons la vérité :
Nous sommes des excédents,
inutiles —
C'est ainsi que nous
sommes perçus.
Ici, le monde —
Une magnifique prison,
sa porte, la lune.
Les explosions enflamment
notre aube,
Les cadavres éclipsent
notre jour.
Et pourtant, nous restons
—
plus que de simples
victimes.
Nous célébrons la vie :
Avec l'art, avec le
théâtre, avec les festivals, avec les mots.
Nous affrontons la mort :
Avec l'art, avec le
théâtre, avec les festivals, avec les mots.
Ici, le monde —
Une magnifique prison,
sa porte, la lune.
Nous fixons son côté
sombre.
Nous voyons, nous nous
inquiétons.
Nous oublions, nous
trouvons la paix.
Nous parlons.
De l'obscurité,
les mots émergent sous
forme de poésie.
Nous parlons.
De la poésie,
les mots émergent sous
forme de prose pour l'action.
Lorsque la tyrannie
enfonce notre porte, souvenons-nous de notre droit à la résistance. Lorsque
nous jouissons d'un instant de sécurité, n'oublions pas notre pouvoir de rester
fermes et d’agir contre la tyrannie qui rôde juste derrière le seuil.
Lorsque nous occupons un
espace de rassemblement, donnons-lui vie - comme une scène, une plate-forme, un
espace d'action. Qu’il soit un lieu où nos pensées, nos peurs, nos fardeaux et
nos contradictions émergent de toutes les manières possibles ; une étincelle pour
enflammer la réflexion dans nos patries, avec nos communautés, dans nos
espaces, et partout où notre influence peut s'étendre.